Le mot de la mère
Le 18 septembre, nous prenons le bus de Cusco à Juliaca, nous arrivons au terminal vers 12h. Pour la 1ère fois, nous sentons un sentiment d'insécurité, les gens nous dévisagent, aucun touriste aux alentours. Heureusement le taxi que Julien a commandé nous attend à la sortie de la gare routière. Il nous explique que Juliaca est une ville fantôme où il ne fait pas bon y traîner. Elle n'est pas loin de la frontière bolivienne et les mines officieuses d'or et les trafics en tout genre attirent une population malsaine. Après 1h30 de route nous arrivons à Llachon, un petit village au bord du lac. Nous logeons chez Eustaquio, il nous accueille chaleureusement, l'endroit est magnifique. Un chemin de terre mène à l'habitation face au lac au milieu des champs de patate et des troupeaux de moutons. Les enfants sont heureux de pouvoir à nouveau gambader à la campagne.
Le soir, nous mangeons une bonne soupe chaude en entrée, accompagnée d'une tisane. Ici c'est un rituel de tous les repas, ça réchauffe et toute la famille y a pris goût. Nous concoctons notre programme avec Eustaquio qui sera notre guide pour les jours à venir. 2 jeunes français logent à côté de nous, Hugo et Loïc, qui seront nos compagnons de route le lendemain. Avant d'aller nous coucher, Eustaquio nous apporte des bouteilles d'eau bouillante en guise de bouillotte. Ici les habitations ne sont pas chauffées, les températures peuvent descendre jusqu'à 0° la nuit et monter jusqu'à 25° en journée.
Le lendemain, petit déjeuner à 8h et à 8h30 nous partons tous les 7, Hugo, Loïc, Eustaquio et nous 4 en direction du port pour prendre un bateau qui nous amènera jusqu'à l'île de Taquile. Sur le lac, nous découvrons de drôles d'oiseaux, une espèce de canard qui, à l'arrivée du bateau, se mettent littéralement à courir sur l'eau. Eustaquio nous explique qu'ils courent car ils ne savant pas voler !
Nous débarquons sur l'île après 1h30 de navigation paisible. La lumière ici est exceptionnelle. Est-ce dû à l'altitude ou à l'eau du lac d'un bleu méditerranéen? Nous commençons la grimpette jusqu'en haut du village, nous sommes un peu essoufflés, la place du village est à 4 000m. Nous continuons la balade jusqu'au sommet où s'offre à nous une vue sur le lac à 360°.
Puis nous déjeunons chez l'habitant : au menu, soupe, tisane et la fameuse trucha a la plancha accompagnée de riz et de petits légumes. La trucha, c'est la truite du lac mais ce n'est pas de la sauvage, c'est une truite du Canada qui a été introduite, il y a ici des élevages un peu partout sur le lac.
Nous reprenons le bateau pour aller sur une île flottante, habitée par 5 familles : Uros Titino (beaucoup moins touristique que les îles Uros plus proches de Puno). Le chef nous accueille et nous explique comment se construisent ces îles. Ils utilisent des espèces de roseaux appelés totoras et découpent les mottes de terre et d'argile en gros parpaing qu'ils empilent et tassent. Ensuite, ils découpent des totoras frais qu'ils empilent en plusieurs couches. Les habitations sont elles aussi faites de totoras. Une fois le permis obtenu, il leur faut environ 2 ans pour faire une île et si elle est entretenue, elle peut tenir 40 ans. Ils nous proposent de faire un tour dans une embarcation en totora, surnommée Mercedes ! Les habitants de ces îles se nourrissent de poisson, d'oeufs d'oiseaux et de totora frais. Ils font aussi de l'artisanat. Et avec le gain de ces ventes, cela leur permet de diversifier leur alimentation. Loïc et Hugo ont sorti leurs drones. Ils nous font une belle surprise en nous filmant lors de notre balade en "gondole".
Sur le chemin du retour, au coucher du soleil :
Le lendemain matin, nous allons visiter l'île d'Amantani. Arrivés là-bas, nous tombons sur la communauté en train de construire une maison. Hommes et femmes travaillent ensemble à chaque nouvelle maison. Les murs sont faits de bloc de terre tassés, séchés, empilés et collés au mortier. La charpente est en bois d'eucalyptus, recouverte de tôle ondulée. Un sacré travail d'équipe ! On dénombre 11 communautés sur l'île et à tour de rôle, elles accueillent les touristes pour une meilleure répartition des gains et du travail.
Eustaquio nous emmène ensuite au temple de Pachamama (temple rond) tout en haut de l'île. Arrivés en haut, il nous fait ramasser un caillou chacun et nous propose d'en faire le tour dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, de formuler un voeu puis de bloquer notre petite pierre entre ses murs. Il nous explique qu'à chaque fête (2 fois par an) les habitants font des offrandes lors d'une cérémonie chamanique. Un autre temple lui fait face sur le sommet d'une autre colline : le temple de Pachatata (temple carré). il nous rappelle que dans la culture inca tout va par 2, un peu comme le yin et le yang.
En fin d'après-midi, nous rejoignons notre habitation par un petit chemin rural passant par le centre du village.
Sur les murs de l'église, Eustaquio nous montre une croix andine ou chacana, elle est l'emblème des peuples andins (incas et pré-incas).
On la trouve tout le long de la cordillère des Andes. Elle se lit de différentes manières et sa lecture est assez complexe puisqu'elle est aussi un symbole cosmologique. Eustaquio en ancien paysan nous explique comment on s'en sert dans le monde rural. Un petit schéma s'impose.
Rappelons au passage la légende racontant l'origine du monde andin :
Le lac Titicaca, un lac sacré depuis la nuit des temps
Sur les rives du lac Titicaca surgit un Homme, grand et barbu, muni d'un bâton. Il créa le soleil à l'emplacement de la Isla del Sol et la lune, à l'emplacement de la Isla de la Luna. Le soleil Inti et la lune Paxi enfantèrent la terre, Pacha. L'Homme modela ensuite dans l'argile hommes et femmes, ancêtres des tribus andines. Il leur offrit à chacun des graines, des coutumes et des traditions, leur insuffla la vie et leur dit d'aller sous terre afin de réapparaître sur leurs territoires respectifs. Ainsi ils jaillirent des grottes et des sources.
Le lac Titicaca est le plus haut lac navigable du monde situé à environ 3 800 m d'altitude, Il mesure 190 km de long sur 80 de large et couvre plus de 8 500 km2 soit plus que la superficie des départements du Rhône et de la Loire réunis !
Le lac est aujourd'hui la plus grande réserve d'eau douce du Chili, de l'Argentine, de la Bolivie et du Pérou. Il est malheureusement pollué par les déchets qui viennent des rivières qui s'y jettent : des métaux lourds comme le plomb et le mercure utilisés par les mines d'or frauduleuses en amont.
A notre retour, nous dînons en compagnie d'Aline et de ses 3 frères, des français que nous avions déjà croisés lors de notre voyage. Aline, une belle personne, ancienne prof de français et ayant vécu 27 ans en Afrique, nous donne de bons conseils pédagogiques.
Le lendemain matin, c'est le moment des au revoir, Aline nous prend en photo avec Eustaquio.
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